On est en 2015, Life, ONG humanitaire française lance la première édition de sa campagne hivernale Sakaïïï. Le but de cette opération est de venir en aide aux populations touchées par les difficultés engendrées par l’hiver, en France, au Maroc et dans d’autres pays.
Le Maroc ? En effet vu de France, on ne l’imagine peut être pas mais il y a de réelles enjeux liés au froid au Maroc et dans le Maghreb en général. Les villes les plus reculées comme cela peut être le cas dans les montagnes souffrent d’isolement et la scolarité des enfants est contrariée lors de ces périodes ou les routes ne sont pas adaptées aux intempéries et ou les bus scolaires ne peuvent assurer le transport. Le secteur de la santé est aussi durement touché et plus généralement toutes les infrastructures et commodités.
Cette campagne se fait en partenariat avec la magnifique association Marocaine Ataa Charity, véritable acteur majeur de la solidarité sur place. Ils connaissent parfaitement les besoins des populations et la logistique nécéssaire, Life se chargeant plus de son côté d’apporter un soutien financier.
Pour cette aventure j’accompagne Ardo, un camerounais au grand coeur, en charge alors des opérations humanitaire de Life.
Assez parlé, l’opération commence.
Jour 1 x Turbulences et Sydney Govou ✈️
Direction Charles de Gaules Etoile, notre avion a du retard, pas grave on croise une vieille connaissance de Ligue 1 et finaliste de coupe du monde, Sydney Govou, en partance pour Moscou, on fait un petit selfie avant d’embarquer. Revenons à l’essentiel, ce voyage, son but, sa niya. Tout d’abord nous espérons pouvoir être une cause bénéfique envers les habitants des régions montagneuses, pouvoir comprendre les conditions de vie de ces gens une fois l’hiver venu. A titre personnel j’espère de ce voyage une prise de conscience du statut de privilégié dont nous disposons en France. Il est 18h30 maintenant, l’avion traverse une forte zone de turbulence, du’as !
L’hospitalité marocaine c’est pas un fake !
00h35, après être arrivé à bon port, Hamza l’un des membres d’Ataa Charity est venu nous chercher à l’aéroport Mohammed V. Après une franche accolade nous filons en direction de Casablanca Ville Verte. Arrivés chez lui, nous attend un magnifique repas et d’autres membres de Ataa Charity. Le fils de Hamza nous raconte sa passion pour les dinosaures, on m’explique que ma vie est en danger au Maroc pour avoir mis sur le site des pointillés sur la carte qui décrit la partie Sahara du Maroc, tandis qu’Ardo se chamaille en arabe.
Je découvre surtout une association exemplaire, tous sont bénévoles, une élèction se fait tous les 3 ans pour élire un nouveau président, ils comptent plus de 180 membres actifs et sont actuellement à la recherche d’un siège. La soirée passe à toute vitesse, on nous présente le sacré programme de samedi et dimanche, il faut prendre des forces et se reposer.
Jour 2 x En route pour Tanamsourine et Aït Abbas 🚐
Lever 5h du matin, il fait nuit noire à Casablanca, après s’être préparés, nous descendons et trouvons en bas de l’immeuble le bus caravane qui nous mènera vers Tanamsourine dans les montagnes, loin au sud de Casablanca. Nous trouvons plus d’une vingtaine de frères de l’association qui serons nos guides et nos référents. Abderrahmane, Hamza, Sheikh Sakarya, Abu Bakr (dit Le Clown), Othmane et bien d’autres, tous très unis, proches et animés de la même volonté d’aider leurs prochains. C’est dans une ambiance bon enfant que nous partons, à 6h du matin, pour 7 h de route en direction des grandes et indomptables montagnes de l’Atlas.
Sandwich, quizz et karaoké !
Comme dans une colonie de vacance, la caravane est animée par des chants, des quizz, des ronflements, des “quand est ce qu’on arrive”, des pauses pipis et des pauses salats. Plus le voyage avance, plus la route se fait rare, les villes cèdent leurs places à des villages et des hameaux, je sens qu’on commence vraiment à rentrer dans la dimension humanitaire de l’opération. Au bout de 4h de voyage, les montagnes il y a peu si lointaines deviennent immenses, les routes de plus en plus cabossées et nous devons abandonner notre bus qui ne peut s’aventurer plus loin car il n’est pas prévu pour ce type de route.
Une montée mouvementée
Venus de nul part, 2 4×4 de type pick ups qu’on dirait tout droit sortis d’un vieil Indiana jones arrivent dans un fracas de poussière et de bruits de moteur vieillissant. Il y a environ 8-9 places par pickups, soit moins de 20 places chauffeurs compris…. Je vous laisse deviner ou atterrissent les frères n’ayant pas de places assises dont moi et Ardo ^^ Sur le toit évidemment avec les bagages et les tendeurs pour bien se caler. De vrais humanitaires tout terrain !
Nous continuons donc notre périple sur une route rocailleuse et sinueuse, on croise le premier bus scolaire à ce moment là, c’est rempli à craquer, des bras et des têtes s’échappent des fenêtres et nous font des grands sourires. Parfois la falaise en contrebas est vraiment raide, la route étroite, je dis à Ardo que la, « je me sens très proche du Paradis ! » mais le chauffeur semble avoir fait ça toute sa vie, ce qui est certainement le cas d’ailleurs et il nous gère ça comme une petite route de campagne. Au bout de 2 heures nous arrivons au village de Tanamsourine, 1ère étape de la caravane humanitaire.
Vivre à Tanamsourine
Nous sommes accueillis par les villageois locaux avec du thé et un tajine traditionnel qui sent bon le produit du terroir ! Les villageois sont magnifiques d’hospitalité, les paysage merveilleux rappellent la beauté de la création. Le déchargement des aides se fait dans la bonne humeur, lorsque nous interrogeons les villageois ils nous disent bien que le froid est un réel problème chaque année. Les habitations ne sont pas adaptés au froid et à la pluie, il fait moins froid qu’en France, certes, mais l’isolation et l’étanchéité sont inexistantes. Même quand il fait meilleur avec un hiver plus chaud comme cette année, c’est un problème car le manque de pluie condamne leur agriculture, première source de revenus de ces habitants. Quand on les questionne, les anciens du village nous font une confidence, qui m’a bouleversé, ils aimeraient avoir une mosquée. Je n’avais pas fait attention mais effectivement ils n’ont pas de lieu de culte. ce qui veut également dire pas de Jumu’a digne de ce nom, ou alors au prix de longues marches.
Poussière et nuit étoilée
La nuit commence à tomber, nous reprenons la route, les enfants du village nous coursent après en chantant et avec de grands sourires, les 4×4 vrombissent, la poussière vole et se confond avec le coucher de soleil offrant une vision magnifique d’ombres enfantines. Toujours avec une facilité déconcertante le pick-up chemine, de nuit, à travers la montagne, direction Aït Abbas que nous finissons par atteindre en fin de soirée. Rebelote la bas, accueil chaleureux, festin de rois, nous dormons tous dans l’une des maisons du village laissée libre pour nous. La nuit est noire comme jamais, pas une nuage, la lune magnifique. Layla Saïda !
Jour 3 x La fête au village
2ème jour de l’opération Sakaïï au Maroc, village de Aït Abbas, lever 6 h du matin pour Fajr et ce que je peux vous dire c’est que Sakaïï vraiment beaucoup ! Il fait environ 3-4°C, ajouté à cela un vent fort et sec. Beaucoup d’enfants et de femmes sont déjà à l’oeuvre, ramassant du bois, aidant les anciens et les hommes nous aident à décharger. Toujours dans notre volonté de rapporter la situation du terrain, nous interrogeons les habitants. Plus que le froid, c’est l’isolement et les infrastructures qui sont les 2 grands problèmes. Les routes sont dangereuses, les hôpitaux et écoles à plusieurs dizaine de kilomètres ce qui engendre de grandes carences dans l’éducation et la santé ce qui inévitablement empêche la région de se développer.
Clowns et jeux de ballons !
Mais assez parlé, place à la fête des enfants ! L’équipe d’Ataa Charity est d’une grande gentillesse et douceur envers les enfants et surtout…. ce sont de vrais clowns en puissance !!! Au propre comme au figuré, nez rouge, perruque, chapeau toute la panoplie de Bozo est la. Je ne saurai dire la joie qui me traverse en voyant ces enfants, habitués à une vie de labeur, rirent et s’amuser de toutes leurs forces, s’extasier pour des ballons de baudruche et avoir les yeux grands ouverts devant les facéties de AbuBakr le Clown ! On a notre p’ti chouchou, Mohammed, qui doit avoir 7 ou 8 ans, il ne parle quasiment pas et est orphelin de père, il nous suit partout et veut toujours être avec nous. Il est dans quasiment toutes nos vidéos et photos. A un moment donné, grand moment, il a offert un bonbon à Ardo pour lui témoigner son affection, qui ému, lui a dit qu’il le garderait et se souviendrait toute sa vie de ce geste. Quand un orphelin donne un bonbon, c’est quelque chose de fort.
L’éducation, la clé
Je profite de la fête sur la place centrale du village pour rentrer dans l’école. Je découvre un tableau ardoise, des addictions/ soustractions, le verbe être conjugué au présent, des dessins… Les institutrices du village font un travail remarquable, une salle de classe pour plus de 200 élèves. Tant de potentiel qui ne pourra éclore si leurs conditions de vie restent les mêmes. En rentrant je clamerai que les kits hivernaux, c’est bien, mais ce n’est pas ce qui fait la différence. Avec naïveté certainement, je dirai haut et fort que nous devons faire des centres de soins, des écoles allant au delà du primaire, des routes etc…
La journée passe extrêmement vite et c’est déjà l’heure de rentrer. Il faut savoir que Ataa Charity, qui sont nos hôtes et référents, travaillent tous bénévolement, demain ils doivent donc tous être à Casablanca pour reprendre leur travail. Ingénieurs, comptables, étudiants, ce sont des vrais rajouls avec un grand R. Je me sens vraiment tout petit à côté d’eux et je les cite en exemple. Qu’Allah les bénisse.
Nous reprenons la route, même scène de liesse que la veille, mais pincement au coeur de ne pouvoir rester plus et surtout faire plus. Sur le retour nous chantons Sawfa nb9a Huna. J’ai vu la situation sur place, j’espère pouvoir la rapporter au mieux et pouvoir les aider. Nous rentrons à Casablanca vers 23h, la mission est terminée, nous nous séparons tous et retournons à la vie citadine. Demain nous rentrons en France inchaAllah. Sakaïï mais j’ai chaud au coeur car je m’endors en repensant aux rires des enfants de l’Atlas.